Alan Bernstein, président et chef de la direction du CIFAR

COVID-19 et essais cliniques : point de vue de Alan Bernstein

Dans le cadre de la situation exceptionnelle entourant la COVID-19, CATALIS a interrogé des leaders du Québec en recherche clinique pour connaître leur point de vue sur la crise et trouver les moyens de s’adapter. Voici le point de vue de Alan Bernstein, président et chef de la direction du CIFAR.

Q. Selon vous, comment la pandémie de la COVID-19 va-t-elle transformer la recherche clinique en cours et à venir ; sur le plan mondial et québécois ?

Au CIFAR, notre but est de regrouper les scientifiques du monde entier autour de questions d’importance pour la science et le monde entier, incluant tous les aspects de la pandémie de la COVID-19. 

Recruter des patients prend du temps et se limiter à un hôpital ou à une province n’est pas assez rapide pour répondre aux besoins pressants. Nous devons nous joindre à l’effort global pour accélérer les recherches, rester à l’affût des nouvelles façons de mener les études, savoir si ce que nous faisons est valable et prendre part à une vaste conversation.

« Une pandémie est comme une maison en feu. Vous devez agir rapidement et de manière décisive et espérer que nos voisins et les services d’incendie travailleront tous ensemble pour éteindre l’incendie. Ici, nos voisins sont la communauté mondiale et le service d’incendie est la communauté scientifique et biopharmaceutique mondiale. »

 Il n’est pas surprenant que les entreprises pharmaceutiques et tous les intervenants de la recherche se concentrent sur la COVID-19. Un vaccin devra arriver rapidement afin que nous puissions revenir à tous les autres problèmes de santé et maladies sévères qui sont toujours parmi nous.

L’adaptation est la clé pour sortir de la crise

Les humains évoluent et s’adaptent. Nous ne sommes pas l’espèce qui court le plus vite ni qui est la plus forte, mais nous sommes celle qui s’ajuste le mieux. La force de l’être humain, c’est notre cerveau et nous devons tirer avantage de notre intelligence. La science est tout simplement le moyen le plus puissant que l’humanité a trouvé pour comprendre le monde qui nous entoure. À aucun moment, cette réalité n’est plus évidente que pendant une pandémie.

« L’important, c’est la façon dont nous répondrons au changement. Nous devons nous adapter : notre réponse indiquera comment nous survivrons. »

Certains citoyens rejettent les mesures imposées comme la quarantaine parce qu’elles les sortent de leur zone de confort. Alors que nous sommes une espèce sociable, certains refusent de s’adapter. La crise est un test de résilience et de créativité pour les entreprises et les organisations. Des ajustements sont indispensables afin de poursuivre leur mission centrale et leurs activités.

« Les chercheurs devraient se demander comment adapter leurs recherches pour participer à l’effort collectif. »

Par exemple, Dr Arturo Casadevall, professeur à l’Université Johns Hopkins et un conseiller pour le programme du CIFAR sur le royaume fongique, a réorienté ses travaux sur les infections fongiques pour se concentrer sur la transfusion de plasma pour l’immunisation passive chez les individus à haut risque d’infection à la COVID-19. Je pense que la communauté scientifique mondiale, qu’elle travaille dans la recherche biomédicale, l’IA, la physique ou l’histoire, s’est lancée pour aider à résoudre la pandémie COVID-19 par la recherche et le talent qu’elle apporte au problème.

La solution à la crise passera par la science

La pandémie est une occasion pour la communauté scientifique de redonner leur dû après des années à avoir été financée par les fonds publics. Les chercheurs sont impatients de trouver des moyens de contribuer à la sortie de crise. Le dépistage sérologique, les tests PCR, la distanciation sociale, le développement des médicaments sont tous basés sur des découvertes scientifiques préalables.

Les cliniciens-chercheurs mènent actuellement de nombreux essais dans le monde entier pour mettre au point de nouvelles pharmacothérapies, développer des vaccins sécuritaires et efficaces et étudier l’impact de la pandémie sur notre bien-être et sur l’économie.

« C’est le moment de montrer la valeur de la recherche. »

 La communauté scientifique n’a jamais eu une occasion aussi importante de démontrer la valeur de la recherche.

Le développement du vaccin est probablement la seule façon de mettre fin à cette pandémie. Pour atteindre cet objectif, les scientifiques, les cliniciens, les fabricants de vaccins, les organismes de réglementation et les bailleurs de fonds doivent travailler en étroite collaboration afin de mettre en place l’infrastructure mondiale requise pour développer, tester, fabriquer et distribuer des vaccins sécuritaires et efficaces pour la planète entière.

Nos connaissances scientifiques qui sous-tendent les pandémies virales ont connu une révolution complète. De la découverte de Pasteur de la théorie des germes à la science sophistiquée à la base des approches actuelles de développement des vaccins, en passant par la conception rationnelle des médicaments et l’application de l’intelligence artificielle à la découverte des médicaments, la science fournit aujourd’hui à l’humanité des outils incroyablement puissants pour éradiquer la COVID-19.

Pour revenir à l’analogie d’un incendie de maison : nous ne savons pas quand ni où le prochain incendie se déclarera. Tout ce que nous savons, c’est qu’il y en aura un autre. C’est pourquoi la société doit être prête à former et à payer une infrastructure de pompiers même en l’absence d’incendie, car nous savons qu’il y aura inévitablement un autre incendie. Il en va de même pour la recherche scientifique fondamentale.

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